Dans la multitude de transports en commun que nous connaissons aujourd’hui dans nos villes, une solution audacieuse émerge progressivement, offrant une alternative nouvelle pour répondre aux défis de la mobilité en milieu urbain dense : le téléphérique urbain. Longtemps associé aux panoramas montagneux, ce mode de transport aérien s’adapte désormais à l’horizontalité de nos villes, apportant avec lui la promesse d’une mobilité efficace, écologique et économique.
Une mobilité urbaine redéfinie par le téléphérique
L’amélioration de l’accessibilité du téléphérique urbain se profile comme une étape cruciale dans la transformation de ce mode de transport aérien.
Le Metrocable de Medellin, en Colombie, constitue un exemple emblématique de la manière dont les téléphériques urbains peuvent révolutionner l’accessibilité et la mobilité dans des zones montagneuses ou défavorisées. Lancé en 2004, il a introduit un nouveau chapitre dans le paysage urbain de Medellin en reliant le centre-ville et sa périphérie (quartiers défavorisés des collines). Cette solution a considérablement réduit les temps de trajet pour les habitants de la périphérie. Non seulement le Metrocable a contribué à éliminer les barrières géographiques, mais il a également favorisé l’intégration sociale et économique en connectant ces communautés à des opportunités d’emploi, d’éducation et de services urbains [1]. Aujourd’hui, les 6 lignes en place en font le système de transport urbain par câble le plus important au monde avec 100 000 passagers par jour (Medellin : 2 millions d’habitants). En comparaison à Marseille (900 000 habitants), le réseau métropolitain transporte 320 000 personnes par jour.
Un déploiement progressif en France
En France, deux villes précurseurs ont adapté ce nouveau mode de transport : Brest en 2016 [2] et Toulouse en 2022 [3]. Le téléphérique brestois ne comporte qu’une section, entre les deux rives de la Penfeld. Les deux cabines peuvent transporter jusqu’à 60 passagers chacune et mettent trois minutes pour effectuer la traversée. Un départ est prévu toutes les cinq minutes permettant à 1200 passagers par heure de rejoindre l’autre rive. Le téléphérique toulousain (Téléo) quant à lui relie l’Oncopole à l’université Paul Sabatier avec un arrêt à l’hôpital de Rangueil. Téléo avait comme ambition de transporter 8000 voyageurs par jour au moment de son lancement, on remarque aujourd’hui que ce sont 6000 voyageurs qui l’utilisent quotidiennement.
Les téléphériques, en survolant les difficultés du trafic urbain, ouvrent la voie à une réduction significative de la congestion routière. Contrairement à la construction d’un tramway, il n’est pas nécessaire de fermer les routes lors de sa construction. Le téléphérique offre la possibilité de franchir des axes de transport préexistants tels que les routes et les voies ferrées, ainsi que des obstacles naturels comme les rivières, sans nécessiter la construction d’infrastructures complexes telles que des ponts ou des tunnels.
En Île-de-France, le premier téléphérique devrait entrer en service début 2025. Le projet, datant de 2013, du « Câble C1 » (anciennement ligne A), consiste à relier Villeneuve-Saint-Georges à Créteil (4,5km) en 18 minutes pour rejoindre la ligne de métro 8 [4]. Aujourd’hui, il faut compter près de 40 minutes en bus pour rejoindre ces deux villes soit un gain de temps de plus de 50%. Le projet est estimé à 132 millions d’euros. Ce coût est globalement inférieur aux autres modes de transports (1,38 milliard d’euros pour la prolongation de la ligne de métro 14 en Île-de-France). Les cabines pourront accueillir 10 personnes maximum avec une régularité de passage promise inférieure à 30 secondes soit 11 000 passagers par jour. À titre de comparaison, à Paris, un métro arrive en moyenne toutes les 2 à 5 minutes et un RER toutes les 5 à 15 minutes.
Vers une mobilité durable et respectueuse de l’environnement
Les téléphériques urbains présentent plusieurs avantages en termes d’impact environnemental, ce qui en fait une option attrayante pour les villes engagées dans la transition écologique. Contrairement aux modes de transports routiers, les téléphériques ne génèrent pas d’émissions de gaz à effet de serre ni de polluants atmosphériques, contribuant ainsi à améliorer la qualité de l’air urbain. De plus, la construction des infrastructures des téléphériques nécessite souvent moins de terrassement et d’altérations du paysage que la création de nouvelles routes, minimisant ainsi l’impact sur les écosystèmes locaux. Par ailleurs, les téléphériques utilisent généralement des technologies de propulsion électrique, et la possibilité d’intégrer des sources d’énergie renouvelable contribue à réduire leur empreinte carbone.
L’utilisation surélevée des téléphériques permet de favoriser la biodiversité urbaine et de préserver les espaces verts.
Si le faible impact environnemental des téléphériques en fait une solution écologique, leur avenir n’est pourtant pas tout tracé.
Les téléphériques urbains, des limites bien présentes
L’intégration des téléphériques urbains dans nos villes pose parfois des défis significatifs. L’un des problèmes majeurs réside dans l’impact visuel que ces infrastructures aériennes peuvent avoir sur nos villes.
La première contrainte concerne les défis liés à la verticalité, comme la densité des bâtiments et la nécessité de concevoir des solutions adaptées aux variations des hauteurs. Pour les transports comme le téléphérique, cela implique de trouver des solutions pour naviguer à travers ces différences de niveaux. Les tours de support et les câbles peuvent être perçus comme imposants, suscitant des préoccupations esthétiques. Pour surmonter ces problèmes, des efforts d’urbanisme doivent être déployés afin d’intégrer harmonieusement les téléphériques dans l’environnement de nos villes, en tenant compte des caractéristiques architecturales et des aspirations esthétiques des quartiers environnants. Une autre préoccupation concerne les stations d’embarquement et de débarquement, qui nécessitent souvent des espaces au sol substantiels. L’allocation de ces zones peut parfois entrer en conflit avec d’autres besoins urbains, tels que l’utilisation de l’espace public pour des parcs ou des activités communautaires. Ainsi, bien que les téléphériques urbains offrent une solution de mobilité innovante, leur intégration réussie dans le milieu urbain requiert une planification minutieuse et une adhésion des citoyens au projet [5]. Par exemple, le projet de construction d’un téléphérique entre gare de Lyon et gare d’Austerlitz a été gelé, car les riverains expriment leur inquiétude face à l’arrivée potentielle du téléphérique, craignant une possible dégradation du ciel parisien.
Les conditions météorologiques, un risque constant
Qui dit transports aériens, dit nouvelles contraintes opérationnelles, ainsi les conditions météorologiques (vents violents, grêles, neige abondante, foudre) peuvent entraîner l’arrêt des opérations pour prévenir tout risque. Afin de garantir la sécurité des passagers, les exploitants doivent mettre en place des protocoles stricts en réponse aux conditions météorologiques extrêmes, ce qui peut entraîner des interruptions temporaires des services [6]. Là où le transport urbain souterrain par exemple est moins dépendant de ces phénomènes climatiques. Bien que les téléphériques urbains offrent une alternative de transport novatrice, leur sensibilité aux conditions météorologiques nécessite une gestion diligente pour assurer une exploitation sûre et fiable.
Dans l’évolution perpétuelle des modes de transport urbain, le téléphérique urbain n’est pas simplement une réponse à la congestion de nos grandes métropoles, mais une métamorphose de la mobilité urbaine. Il offre une perspective de développement du trafic hors-sol de nos villes, symbolisant une nouvelle ère où la complémentarité entre les différents modes de transports redéfinit notre manière de nous déplacer et d’interagir avec l’évolution constante du paysage urbain.
Sources :
[1] https://www.demainlaville.com/le-metrocable-de-medellin-pilote-de-la-mobilite-de-demain/
[2] https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/telepherique-urbain-france
[3] https://medias24.com/agence-presse/a-toulouse-un-telepherique-connecte-au-metro/
[5] https://batinfo.com/actualite/le-telepherique-urbain-une-bien-lente-progression_21139