Cela fait déjà plus de 10 ans qu’Elon Musk a proposé le projet de recherche industrielle Hyperloop (2013). Depuis, de nombreuses initiatives ont vu le jour, avec l’émergence de nouveaux modes de transports qui promettent de redéfinir la façon dont nous nous déplaçons. Entre innovation disruptive et science-fiction, où en sommes-nous de ces alternatives ?
Hyperloop : l’hyperflop ?
Le concept consiste à déplacer des capsules à sustentation électromagnétique transportant des voyageurs et/ou des marchandises à l’intérieur de tubes sous basse pression pour limiter les frictions de l’air. Cette technologie permettrait d’allier la vitesse de l’avion à la proximité du train, rendant cette idée très attractive.
Malheureusement, malgré une levée de fond impressionnante (400M$) et un test de transport de passager concluant (2020), Virgin Hyperloop, qui était jusque-là l’acteur principal du secteur, vient de mettre la clef sous la porte. En cause : des coûts de développement d’infrastructure exorbitants, une consommation énergétique trop importante pour maintenir les tubes sous vide, ainsi que de nombreux autres défis techniques (linéarité, sécurité, flux d’air supersoniques, etc.).
Elon Musk pourrait n’avoir proposé Hyperloop que dans le seul but de contrer le projet californien de ligne à grande vitesse ferroviaire reliant Los Angeles à San Francisco.[1]
Mais la recherche avance et d’autres entreprises tentent de relever le défi. Mercredi 3 janvier 2024, Arcelor Mittal a ainsi annoncé un démonstrateur à Madras[2]. Affaire à suivre.
Urbanloop : le plus court chemin
L’entreprise française Urbanloop se définit comme un transport personnel automatisé ou encore un robot taxi. Ce sont des navettes autonomes et électriques permettant de faire un parcours personnalisé et à la demande au sein d’un réseau. Son principal avantage : permettre à un utilisateur d’appeler son véhicule en arrivant à l’arrêt, de lui donner sa destination finale, et de la rejoindre sans arrêt intermédiaire, une petite révolution face aux parcours et aux arrêts prédéfinis des transports en commun traditionnels.
A mi-chemin entre le tramway et le taxi, l’ambition de ce mode de transport est de s’attaquer aux zones péri-urbaines prisonnières de l’utilisation de la voiture sur de courtes distances. L’entreprise nancéenne a des arguments à faire valoir, notamment un record du monde établi de moindre consommation énergétique au kilomètre pour un véhicule autonome sur rail.
Un démonstrateur, installé à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris 2024 à Saint-Quentin-en-Yvelines[3], ainsi qu’une commande de la ville de Nancy pour un parcours de 3,5 km en 2027[4] ouvrent des perspectives de développement commercial.
Les principales interrogations se portent d’une part sur la capacité d’un tel système d’absorber un pic de charge aux heures de pointes, et d’autre part sur le développement des infrastructures dans des environnements urbains déjà saturés. Une solution pourrait être de réutiliser pour cet usage des voies SNCF non exploitées ; cette piste est à l’étude par le ministère des Transports.
Taxis volants : une promesse en l’air ?
L’augmentation croissante de la puissance et de l’autonomie des drones commerciaux combinée à l’émergence des véhicules autonomes nous permet aujourd’hui d’envisager la conception et la commercialisation de véhicules volants autonomes.
Des prototypes ont été dévoilés et sont en cours d’homologation dans plusieurs métropoles partout dans le monde (Brésil, Chine, Allemagne, USA, …). Ehang, constructeur chinois, a obtenu de la part des autorités aériennes la première certification pour un engin électrique 2 places d’une autonomie de 30 km. La commercialisation est à portée de main[5].
Les défis à relever sont ici règlementaires et sociétaux. Les questionnements sur la responsabilité en cas d’accident sont les mêmes que pour les voitures autonomes ; à cela s’ajoutent les problématiques de sécurité liées au contrôle de l’espace aérien, d‘autant plus en zone urbaine dense.
Aéroport de Paris a proposé une liaison entre Roissy CDG et Paris pour les Jeux Olympiques 2024. Le conseil municipal s’est prononcé négativement contre cette expérimentation, jugeant l’initiative absurde et aberrante écologiquement[6].
La promesse de désengorger les centres-villes par la voie des airs fait encore sourire, car seule une élite pourrait aujourd’hui accéder à ce type de services, mais leur utilisation dans le cadre d’urgences (notamment médicales) apportant une réelle valeur ajoutée face à la congestion de surface, un essor prochain du secteur est à anticiper. L’accueil du public sera critique pour un lancement réussi.
Transport vélique : le vent en poupe
Après 200 ans de domination par des solutions thermiques, ce mode de transport connait un renouveau. Des voiliers nouvelles générations intègrent des technologies de pointe pour faciliter la navigation, des progrès sur les matériaux améliorant les performances ou des nouvelles propositions tel que des voiles de kitesurf géantes afin de baisser jusqu’à 20% la consommation en carburant ; bousculent un secteur qui semblait établi.
La taille du marché est impressionnante. La flotte mondiale, avec près de 100 000 navires de marine marchande en circulation et 4,6 millions de bateaux de pêche, est censée réduire de 40% ses émissions de CO2 d’ici à 2030 et de 70% d’ici à 2050 pour s’adapter aux nouvelles règles de l’Organisation maritime internationale (OMI)[7].
Pour cela, le transport vélique a un avantage considérable : c’est le mode de transport qui pollue le moins. Il faut tout de même nuancer en précisant que c’est aussi le plus lent. Il existe une myriade de start up souhaitant profiter de cet engouement : Zephyr & Borée, Windcoop, TOWT, Neoline, VELA, Airseas… L’entreprise Grain de Sail va ainsi très prochainement mettre en service le plus gros voilier cargo au monde avec une capacité d’emport de 350T. Ils furent précurseurs (2010) dans ce domaine en transportant à voiles café et chocolat en Europe et aux USA.
Loin d’être reléguées à l’histoire, les voiles reviennent au premier plan, portant avec elles une vision de déplacement durable et efficace.
L’émergence de ces modes de transports innovants trouve donc peu à peu son public, et l’on souhaite à tous que l’expérimentation puisse mener à la démocratisation. Mais l’innovation touche aussi les modes de transports existants, et les performances techniques, économiques ou écologiques que promettent des technologies comme le train à hydrogène et les véhicules hybrides rail-route, annoncent des bouleversements dans ce secteur. Au-delà de la compétition entre ces technologies, il est crucial de souligner l’amélioration et la diversification constante du service rendu aux usagers.
[3] L’usine digitale 2023
[4] France bleu 2023
[5] Futura science 2023