Les catastrophes naturelles sont devenues de plus en plus prégnantes dans le paysage médiatique et dans la réalité des citoyens et des assureurs. Nous l’avons vu dans l’épisode 1 de notre série dédiée aux CAT NAT, le dérèglement climatique engendre d’importants changements sur notre façon d’aborder ce sujet et comment y faire face.
Dans ce second volet, nous nous attarderons sur l’impact de ces aléas sur les assureurs et les réassureurs.
Quelles prévisions pour les CAT NAT dans les prochaines années ?
Les catastrophes naturelles et les sinistres pèsent de plus en plus sur le monde de l’assurance et la tendance ne s’inversera pas si on en croit les prévisions sur la fréquence et l’intensité des événements climatiques (inondations, sécheresses, canicules etc.). De plus, les surfaces exposées aux risques de catastrophes naturelles augmentent, notamment parce que l’urbanisation y est importante, par exemple sur les littoraux.
L’impact des sinistres y est de plus en plus important également parce que les actifs s’accroissent dans ces zones. Ainsi, les coûts des sinistres continueront de croître sur les prochaines décennies, jusqu’à quel point ?
Dans une étude de 2018, Météo France et la CCR ont modélisé les répercussions d’une hausse des températures sur les catastrophes naturelles en se basant sur le scénario présenté par le GIEC d’augmentation de la température mondiale entre +1,4°C et +2,6°C. Les résultats montrent que sans action particulière, les coûts moyens des catastrophes naturelles devraient augmenter de 50% d’ici 2050[1]. Sachant que selon les sources, le coût moyen des catastrophes naturelles est estimé entre 1,2 Md€ et 1,65 Md€, la barre des 2 Md€ pourrait être franchie. D’ailleurs, cette augmentation sera plus importante sur la façade Atlantique, estimation à +60%, et ira jusque 40% en Île-de-France, région de plus en plus vulnérable car très urbanisée et dense.
Quels impacts cela a eu et va avoir sur les assureurs en France ?
Pour les assureurs, les sommes à rembourser au titre de dommages deviennent colossales, en sont témoins les 940 millions d’euros que représente le coût estimé des intempéries de début juin 2022 pour les quelques 258 000 sinistres enregistrés.
D’ailleurs, sur les cinq sinistres les plus coûteux, quatre d’entre eux ont eu lieu ces 20 dernières années :
- 2017 Irma 2 Md€
- 2003 Sécheresse 1,83 Md€
- 2003 Inondations du Rhône en décembre 1,05 Md€
- 1990 Sécheresse 1,03 Md€
- 2016 Inondations Seine Loire 1 Md€
L’impact sur la rentabilité des assureurs est fort. D’ailleurs, pour continuer à indemniser les sinistrés des aléas climatiques, la CCR estime que la surprime pour financer le régime de la catastrophe naturelle pourrait passer de 12% à 18% en 2030[1]. Les primes versées par les assurés seraient alors plus importantes, ce qui, pour beaucoup d’assurés, pourrait représenter un coût très important pour des assurances obligatoires.
La réassurance et les CAT NAT
La réassurance est un dispositif qui permet à un assureur de s’assurer sur un risque afin d’en limiter les impacts financiers sur son activité.
Prenons un exemple simple : j’organise un grand évènement sportif et le montant à assurer est très élevé, les risques assurantiels qui accompagnent cet évènement le sont tout autant. Mon assureur accepte de m’assurer mais décide, lui aussi de prendre une assurance en passant un traité (contrat) de réassurance qui viendrait prendre en charge, par exemple, les sinistres au-delà d’un certain montant (il existe plusieurs mécanismes de réassurance).
La réassurance est méconnue du grand public car il s’agit d’entreprises qui contractualisent avec les assureurs et non avec les assurés.
Cependant, c’est une activité capitale dans le fonctionnement du monde assurantiel. Depuis quelques années, elle a pris une place prépondérante dans l’indemnisation des sinistres dus aux catastrophes naturelles.
Les réassureurs ne peuvent plus rester dans l’ombre des assureurs sur ce sujet et ont décidé, au vu des impacts des catastrophes naturelles sur leur activité, de se mobiliser eux aussi.
Dans un récent rapport de SCOR[2], 4ème réassureur mondial[3], il est noté que l’année 2021 a été la 4e année la plus couteuse pour l’industrie depuis 1970 à l’échelle mondiale. Pour montrer l’augmentation, la charge liée aux sinistres climatiques était d’1mds dans les années 80 pour quadrupler en 2017 et atteindre près de 4mds.
Les réassureurs tablent eux aussi sur une très forte augmentation des sinistres liés aux sécheresses (point qui reste encore à trancher au niveau de la nouvelle réforme des CAT NAT en France).
Le marché de la réassurance doit ainsi s’adapter pour maintenir sa résilience aux sinistres les plus extrêmes
- Hausse de la sinistralité mondiale impacte la capacité disponible et entraine un réajustement des prix de réassurance
- Les réassureurs revoient leur approche de modélisation, en particulier la vision du risque des périls secondaires découlant directement du réchauffement climatique (par exemple le risque inondation, grêle, sécheresse, orages)
- Les réassureurs ajustent leur appétit au risque, pour les périls les plus fréquents, qui relève du rôle de gestion de l’assureur
- Une attention particulière est nécessaire à l’adaptation du bâti et à la prévention des risques. A ce titre, France Assureurs, via l’association Mission Risques Naturels (MRN) qu’elle a créée, suit de près certaines innovations, par exemple les expérimentations menées par le CEREMA[1] sur la consolidation des bâtiments soumis à des risques de fissuration liée au phénomène de retrait-gonflement du sol argileux en cas de sécheresse[2].
[1] https://www.ouest-france.fr/economie/le-regime-des-catastrophes-naturelles-doit-s-adapter-au-climat-ee007e54-ec27-11ec-9c83-bfcc11f15cab
[1] https://tribune-assurance.optionfinance.fr/droit-technique/cat-nat-un-regime-en-peril.html
[2] Risques Systémiques Enjeux pour un réassureur – SCOR (23/06/2022)
[3] https://news.ambest.com/ArticleContent.aspx?pc=1009&altsrc=97&refnum=311820
[4] Le Cerema, établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, accompagne l’État et les collectivités territoriales pour l’élaboration, le déploiement et l’évaluation de politiques publiques d’aménagement et de transport.
[5] https://www.franceassureurs.fr/assurance-protege-finance-et-emploie/assurance-protege/la-prevention-au-quotidien/lepisode-9-des-minutes-de-linnovation-cat-nat-et-climatique-est-en-ligne/