Des ‘sociétés à mission’ commencent à apparaitre dans notre environnement, par exemple dans le monde de l’assurance : KLESIA et Generali France ont officialisé le 9 juillet 2020, la naissance de la première SA d’assurance pourvue d’un statut de société à mission. D’autres acteurs s’engagent ou vont s’engager dans la même démarche : la MAIF, le groupe Danone, la Camif, la Poste….
Qu’est-ce une société à mission ?
La loi PACTE – Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises – est entrée en vigueur le 22 mai 2019. L’une des nombreuses mesures mises en place a pour objectif de valoriser les entreprises poursuivant des objectifs sociaux et environnementaux en créant un nouveau statut – le statut de société à mission.
Alors qu’une majorité de Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, en droit français la définition de l’entreprise ne reconnaissait pas la notion d’intérêt social, accusant ainsi un certain retard vis-à-vis des pays anglo-saxons et autres pays européens qui utilisent ce type de structure depuis plusieurs années (Bene fit Corporation – Flexible Purpose Corporation).
En faisant entrer la société à mission dans le droit français, la finalité est de concilier l’intérêt commun des associés et la réalisation d’un objectif plus large d’intérêt général et non de la restreindre au seul partage ou réalisation d’un bénéfice ou d’une économie. Le statut de société permet d’afficher et de garantir le respect d’engagements altruistes.
Une labellisation qui s’obtient en respectant 3 règles.
Toutes les entreprises commerciales ont la possibilité d’être considérées comme des sociétés à mission, quel que soit leur statut juridique, il s’agit d’une labellisation qui s’obtient après vérification du respect de trois règles énoncées dans la loi PACTE :
- Se doter d’une raison d’être.
- Définir des objectifs sociaux et environnementaux qui s’inscrivent dans le cadre de son activité, ce n’est pas une mission séparée de l’activité concrète de l’entreprise.
- Se doter d’un comité de suivi de l’exécution de la mission, distinct des organes qui existent déjà dans la société.
Comment devenir une entreprise à mission ?
Pour devenir une entreprise à mission quelques ajustements sont nécessaires. Des décrets en ont précisé les contours en définissant les déclarations et vérifications à effectuer.
Pour assurer sa transformation l’entreprise doit faire évoluer ses statuts pour y intégrer cette notion de “raison d’être”. Les statuts doivent préciser un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre, ainsi que les modalités du suivi de l’exécution des missions par un comité de mission. Elle doit procéder à la désignation d’un organisme tiers indépendant parmi les organismes accrédités à cet effet.
Après avoir réalisé une déclaration auprès du greffe du tribunal de commerce, celui-ci procédera à une publication légale pour rendre opposable cette qualité aux tiers. Il est également nécessaire de déposer une mention auprès du Répertoire Sirene de l’INSEE.
L’entreprise doit dans le cadre de sa gouvernance faire entériner ces changements par ses instances. Par exemple pour une mutuelle (assemblée générale extraordinaire, vote des administrateurs, modification des statuts, désignation du comité de suivi …)
Toutes les entreprises pouvaient déjà mettre en œuvre une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprise) qui prônait l’intégration volontaire de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. Des obligations d’informations pour les investisseurs institutionnels, principalement les banques et les acteurs du monde de l’assurance, avait été fixées. La loi PACTE apporte de nouvelles dispositions qui renforcent la RSE, notamment par la création de ce statut d’entreprise à mission.
Quelles sanctions en cas de non-réalisation des objectifs ?
L’avantage conféré par ce statut résidant dans la visibilité et la légitimité aux yeux des tiers, l’absence de réalisation des objectifs n’entraînera pas de sanction financière. La seule sanction est la perte de la reconnaissance du statut d’entreprise à mission.
La demande de retrait peut être faite soit par le ministère public soit par toute personne ayant un intérêt à le faire auprès du président du tribunal de commerce compétent. Ce dernier peut enjoindre au représentant légal de la société de supprimer la mention “ société à mission ” de tous les actes, documents ou supports électroniques émanant de la société. Cette suppression nécessite une nouvelle formalité modificative auprès du greffe du tribunal de commerce.
Au-delà du coût de remise à jour des supports de communication, une sortie de la labellisation fait courir à l’entreprise un risque d’image, qu’il conviendra de ne pas négliger.
Pourquoi obtenir le statut de société à mission ?
L’obtention du statut d’entreprise à mission ne confère pas d’avantages financiers, fiscaux ou sociaux, il s’agit de la reconnaissance d’une mission sociale et / ou environnementale, de la recherche d’un impact social positif.
Les avantages que pourra en retirer l’entreprise en interne sont nombreux : donner du sens au projet de l’entreprise, fédérer les équipes autour d’un projet, augmenter la mobilisation et l’engagement des salariés par des actions en faveur des enjeux sociétaux actuels, attirer de nouvelles recrues en quête de sens et recherchant des entreprises engagées ….
En externe cette labellisation permettra d’accroître la visibilité de l’entreprise et de prouver son engagement auprès des clients et partenaires, de l’environnement social et environnemental. En synthèse de donner une image résolument tournée vers l’avenir et l’innovation. Être identifié comme une “marque positive”, qui intègrent des objectifs de développement durable sera probablement un avantage compétitif dans la société de demain.
Pour les assureurs : alibi marketing ou évolution majeure ?
Pour les assureurs, les groupes de protection sociale et les mutuelles cette notion de mission ne leur est pas étrangère, elle fait déjà partie de leur ADN et leur engagement en faveur du développement durable via la RSE est incontestable.
Beaucoup réfléchissent tout de même à franchir le pas vers le statut d’entreprise à mission. Cela permettrait de mieux formaliser, communiquer et valoriser leur engagement sociétal.
La loi PACTE est récente, mais des entreprises à mission sont rapidement apparues et si ce statut devait s’étendre à de nombreuses entreprises, tous secteurs confondus, il serait dommage que les structures en charge de la protection sociale en soient absentes.
Le point d’attention reste le risque d’image car une sortie ‘forcée’ de la labellisation pourrait avoir des effets dévastateurs sur l’image de l’entreprise. A l’époque de la puissance des réseaux sociaux, du difficile contrôle de sa communication de bout en bout, l’entreprise ne peut se permettre d’être prise en défaut et être ainsi conduite à sortir du dispositif sous la pression de l’opinion, des particuliers ou des associations.
Ce qui implique que l’engagement de l’entreprise ne pourra être que réel, sincère et concret. Il faudra allez plus loin qu’un simple habillage marketing.
Déjà dans l’Argus du 30/08/2018 nous pouvions lire concernant les démarches RSE : << Loin d’être uniquement perçue comme une opération marketing, cette stratégie s’avère payante sur tous les tableaux.>> Il en sera de même pour les sociétés à mission.
Dans un contexte où les préoccupations sociales et environnementales se multiplient l’entreprise à mission peut devenir un moteur d’engagement et de transformation pour l’entreprise, donc une vraie opportunité pour la société dans son ensemble.
Références, pour aller plus loin :